L’ingénierie de la sécurité est une méthode de quantification du niveau de sécurité offert par les ouvrages, les produits ou les systèmes. Elle est exploitée depuis longtemps déjà dans certains secteurs technologiquement avancés ou confrontés à des enjeux de sécurité élevés et sensibles en terme d’équilibre sécurité-coût, comme ceux de l’énergie, de l’aéronautique et plus généralement des transports.

L’ingénierie de la sécurité est basée sur le principe de la recherche systématique de tous les enchaînements d’événements susceptibles de conduire à une situation d’atteinte à la sécurité des personnes ou des biens et ce faisant, constituer un risque. Chacun de ces enchaînements possibles, appelés scénarios, est recensé, décrit et associé à une probabilité d’occurrence dans le cas spécifique de l’ouvrage considéré. Le risque associé à un scénario est alors déduit du couple « probabilité d’occurrence - gravité des conséquences » résultant de l’analyse du scénario considéré. Enfin, par cumul des risques résultant de l’ensemble des couples gravité-probabilité, il est alors possible de quantifier la marge de sécurité globale offerte par l’ouvrage, relativement à un niveau de risque maximal accepté ou prescrit.

L’APPLICATION DE LA DEMARCHE AUX SITUATIONS D’INCENDIE

L’évènement « Feu » fait partie de ces types d’évènements particuliers pour lesquels la méthode habituelle consistant à affiner les pratiques par retouches successives au seul vu du retour d’expérience trouve ses limites, en particulier lorsqu’il survient dans des ouvrages rares et de conception, de géométrie ou de mode d’exploitation inhabituels.

La méthode de l’ingénierie de la sécurité appliquée au cas de l’incendie (ISI) peut alors se présenter comme un moyen de répondre à cette obligation de gestion de la sécurité dans ces cas rares et sans retour statistique convaincant.

Elle permet, en outre, de dégager une forme d’aide à la décision précieuse vis-à-vis d’enjeux importants et variés autres que ceux cités : il peut s’agir de la protection de biens relevant du patrimoine public irremplaçable comme d’enjeux liés à la nécessité du maintien en fonctionnement d’un service collectif primordial.

Elle est définie dans l'ISO 13943 comme application des méthodes d'ingénierie, fondées sur des principes scientifiques, au développement ou à l'évaluation de conceptions dans un environnement bâti au moyen de l'analyse de scénarios d'incendie spécifiques ou bien par la quantification du risque pour un groupe de scénarios d'incendie. Au terme de la méthode dans son déroulement supposé idéal, l’ISI est une démarche qui peut être extrêmement efficace pour apprécier les risques et les maîtriser. La contrepartie de son efficacité étant toutefois d'être aussi exigeante.

Elle réclame notamment une estimation raisonnablement précise des probabilités afférentes à chaque scénario retenu. Ces probabilités peuvent être recherchées dans des retours d’expérience suffisamment nombreux et fiables, mais nous disposons rarement de statistiques fiables en la matière,. On peut aussi évaluer ces probabilités par des modèles informatisés d’analyse de situations complexes. Ces modèles sont connus mais souvent lourds à mettre en œuvre. On peut enfin solliciter des avis d’experts par des enquêtes réalisées auprès de spécialistes ayant capacité à donner une estimation des probabilités associées à chaque scénario, leur avis étant fondé sur leur expérience personnelle et leur expertise. Cette dernière méthode ne peut donner de bons résultats que si la méthodologie de recueil des avis est correctement mise en œuvre et si les experts consultés sont nombreux et représentatifs.

Devant cette exigence, la solution retenue au plan international a été de simplifier la démarche en se limitant à une procédure de sélection des scénarios, ces scénarios étant déterminés par une description qualitative des différents paramètres qui ne peuvent pas être estimés par le calcul ou l'essai et qu'il faut définir a priori.

Cette approche simplifiée est adaptée à la situation actuelle. Elle permet d’espérer des résultats fiables sans attendre d’avoir à disposition des statistiques complètes et pointues sur chaque enchaînement d’évènement comme l’exige la démarche globale. Elle permet de mettre en lumière les points clés du risque encouru associé à chacune des situations susceptibles d’être rencontrées, sans chiffrer ce risque mais en se contentant de classer ou non la situation étudiée dans l’ensemble de celles devant être prises en compte dans la justification.

Le projet national s’est proposé de rechercher les conditions de mise en œuvre de l’ISI dans cette acception simplifiée, réaliste et cohérente avec les ambitions internationales actuelles ; le projet ainsi orienté permet une exploitation de cette méthode, sans exiger des données indisponibles.